Si nous connaissons cette ballade tirée du Testament (1461) de François Villon, c'est bien grâce à Georges Bassens. En feuilletant un petit livre intitulé "Au nom de la liberté" - Poèmes de la Résistance (Flammarion), j'en ai trouvé une parodie écrite en 1941 par un auteur anonyme qui dénonce le pillage économique de la France sous l'Occupation.
Voici ces deux textes :
Ballade des Dames du Temps jadis
Dites-moi où, n'en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Echo, parlant quant bruit on mène
Dessus rivière ou sur étang,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Esbaillart à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la roine
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
La roine Blanche comme un lis
Qui chantoit à voix de seraine,
Berthe au grand pied, Bietrix, Aliz,
Haramburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qu'Anglois brûlèrent à Rouen ;
Où sont-ils, où, Vierge souvraine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Prince, n'enquerrez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Qu’à ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d'antan ?
François Villon, in Le Testament, 1461.
Ballade des Dames du Temps jadis
Dites-moi où, dans quel pays
Sont allés nos chapons du Maine
Nos vaches grasses, nos brebis
Et nos moutons de haute laine ?
Frappés de disette soudaine
Nous restons là, claquant des dents ;
Plus rien à mettre en nos bedaines.
Mais où sont les neiges d'antan?
Où s'en va le cuir de nos boeufs ?
Ce n'est point nous qui portons les bottes.
Où vont notre beurre et nos oeufs ?
Nous n'en voyons cageot ni motte.
Semblablement où vont nos crottes
De chocolat au nouvel an ?
J'en ai vu emporter des hottes.
Mais où sont les neiges d'antan ?
La crème, blanche comme un lis,
Le lard rose à la brune couenne,
Nos bons fromages de pays,
Les patates de nos domaines,
Et les lapins de nos garennes
Qui sont occis par l'occupant
Où vont-ils, Vierge souveraine ?
Mais où sont les neiges d'antan !
Prince, n'enquerrez de semaine
Où tout s'en va, ni de cet an ;
Tout part chez notre soeur germaine
Mais où sont les neiges d'antan ?
Poème anonyme, début 1941, Jura.
(Ce poème a été récité sur les ondes de la BBC, le 3 mars 1942).