Pour qui ne connaîtrait pas le merveilleux poète que fut Bernard Dimey, il suffirait d'écouter cette chanson-hommage de Joseph Moalic et Jean Custeau. Tout y est dit avec justesse et talent.
Quand je traîne le soir dans les rues de Paris
Ces soirs de vague à l'âme où les rêves sont gris
Je carbure à plein spleen et je lâche la bonde
A des délires fous. Mon esprit vagabonde
Et j'ai alors envie d'interpeller les gens :
Si l'on m'aimait un peu du côté de Nogent ?
Si l'on m'aimait un peu du côté de Nogent ?
Mais ne confondons pas, ce s'rait désobligeant,
Le mien n'est pas celui des guinguett's à touristes
Avec leurs canotiers, leurs accordéonistes
Le mien est plus discret, c'est mon Nogent à moi
Et si un jour là-bas on se souv'nait de moi ?
Et si un jour là-bas on se souv'nait de moi ?
Je veux dire qu'un jour il s'rait de bon aloi
De fair' pour une fois mentir le vieux proverbe
Nul n'est prophète en son pays, dit-on. Et merde !
On l'oublie trop souvent, et ma foi ça m'amuse,
J'ai célèbré Nogent bien plus que Syracuse !
J'ai célèbré Nogent bien plus que Syracuse,
Mais trouverais dommage qu'un intello s'amuse.
A décompter mes vers à l'aune des lieux-dits
Mes vers, tout simplement, on les chante, on les dit
J'aim'rais tant que, chez moi, il se trouve peu ou prou
D'amis pour s'y livrer, un peu dingues, un peu fous.
J'ai trop traîné ce soir dans les rues de Paris
Trop parlé et trop ri. Peut-être trop écrit
Trop rêvé. Caressé trop d'espoirs. Il est tard
Et si je continue à écumer les bars
Y'aura plus qu'le cafard pour m'y accompagner.
Rentre chez toi, Bernard. Bon, d'accord, un dernier
Au Lux-Bar ou ailleurs : une cave enfumée…
Tous les comptoirs se valent quand on veut oublier
Mais une cave, c'est bien, c'est mieux, c'est plus intime
Et puis on s'imagine à deux pas de la vigne
Et ça me fait penser, en m'y forcant un peu
A l'heure où je vous cause, j'ai le souv'nir fumeux…
Ça me fait donc penser, comme je vous disais
À cette cave oubliée ou, tout petit, j'allais
Comme un aventurier, comme on aborde une île
Pour une chasse au trésor en plein coeur de ma ville
Quelle rue ? Je ne sais plus : ma mémoir’ m'joue des tours…
Cette cav’ ferait l'affaire si l'on voulait un jour
Un jour – on peut rêver – me faire un peu d'honneur.
Faudrait quelques travaux, faudrait surtout du cœur
Amis, je vous salue et, vous disant bonsoir
Je vous laisse l'idée un peu folle, un espoir,
Comme un myosotis entêté, goguenard,
Qu'on célèbre Dimey dans "La Cave à Bernard".
Et comme je ne suis pas à un délire près
J'imagine que gisant, à l'ombre des cyprès,
J'entendrai certains soirs du joli mois de mai
Qu'il serait bon, ce bruit, à n'oublier jamais
Parvenir jusqu'à moi, en vagues et en rafales,
Apportés par le vent, depuis un festival
Qui porterait mon nom, des échos de chansons
Poêmes tristes ou gais, à donner le frisson.
Allons mon vieux Bernard, ne rêve pas trop fort
Regagne tes pénates, ferme les yeux et dors.
Allons mon vieux Bernard, ne rêve pas trop fort
Regagne tes pénates, ferme les yeux et dors.
(J. Moalic, Bazicourt, 11 - 12 juillet 2009)